Souvent, mon image est quelque chose qui m’échappe totalement et c’est une affreuse panique. Je hais mon reflet et l’impression que je peux donner, j’ai envie de tout contrôler de tout rendre lisse. La plus fade possible, être invisible, passable, grise et immatérielle. Et puis, parfois, je me regarde, ou plutôt, je croise un regard, et soudain le monde reprend ses couleurs. Je suis humaine, mon image fait partie du monde. Et j’en prends possession.
L’un de moyens de prendre mon reflet en main, c’est de m’exposer. J’ai posé aux Beaux-Arts, nue au milieu d’une foule d’élève, mais j’étais vue comme un objet d’étude. Le rapport à mon corps était froid. Chirurgical.
Et puis je me suis appropriée mon image, moi-même, avec mon appareil photo. C’était simple mais j’étais bien trop exigeante, et totalement biaisée. Puis des photographes ont pris le relai.
C’est comme ça qu’on arrive un mois de juin, un matin d’été où l’air n’était pas encore étouffant. Je n’étais pas dans un vrai chez moi, mais dans un hébergement pour quelques jours. Je m’y sentais bien malgré tout.
Un parquet blanc usé, tout était vieux mais réconfortant. Je me sentais bien et heureuse, à peine nerveuse de rencontrer un inconnu.
Et puis l’appareil photo, et l’homme qui le tenait ont su me rassurer, et même si j’ai eu tendance à penser bien trop sérieusement et me laisser envahir souvent par des préoccupations matérielles, parfois tout s’envole et c’est la légèreté du moment qui prend le pas, les traits se détendent et l’instant est plein de lumière.
Et ce qui est ressorti de tout ça, c’est un beau moment, ni plus ni moins. Une chouette relation, de longues discussions et voilà, des photos. Moi, mon image et mon regard apaisé dessus. Je suis heureuse de la douceur de ces clichés.