L’idée du projet lui-même date peut-être de 2010, rien que ça. C’est resté une vague idée pendant bien longtemps. Je me suis trouvé tour à tour toutes les mauvaises excuses imaginables pour ne pas sauter dans l’inconnu, pour ne pas oser, tout simplement.
J’ai fini par me botter les fesses plusieurs années après, pour me prouver à moi-même que je pouvais réellement “faire quelque d’autre que cogiter”, que j’en étais capable, à un moment où il me fallait avancer personnellement.
Pour ça et plein d’autres raisons, même si ça n’a représenté que quelques journées dans toute une année, ça m’a permis de garder pied sur tout le reste. Un énorme merci à celle qui m’a fait confiance la première, de façon suffisamment décontractée pour me permettre de ne pas bloquer. Merci à toi.
Photo liée : $Uniquement soi.
La photo c’était sortir du territoire maîtrisé de l’informatique. Mieux, c’était dans le territoire des créatifs et des artistes. De mon point de vue c’est comme viser la lune. Créatifs, artistes : je vous admire. J’ ai toujours trouvé mon métier – technique – comme tellement banal et simple par rapport au vôtre…
Ça aurait certainement pu être autre chose, mais j’avais moins peur du ridicule en photo que dans d’autres disciplines d’expression. Moins de ridicule et moins inatteignable. Avec un minimum de technique je me sentais capable de faire une photo qui n’a aucun intérêt, pleine de défauts, qui n’exprime rien, mais qui ressemblerait quand même à quelque chose. Je ne me voyais pas du tout dire la même chose pour du dessin.
Toutefois, principalement, au risque de me placer au degré zéro de la réflexion, je crois que j’aime les photos et ce qui s’en dégage. Tout simplement. Et si c’est de la photo, c’est de la photo de portrait. Les paysages, animaux ou natures mortes n’ont que rarement exprimé quelque chose de fort chez moi. J’avais certainement vu des photos très sympa à l’époque, dont probablement du nu. Par la suite j’ai vu des rendus de Thanh qui faisaient aussi écho chez moi. Aussi bête que ça : ça me plaisait, ça me faisait envie de faire ça moi aussi.
Photo liée : $Allée.
Le pourquoi du nu n’était probablement pas conscient au début, pas avant que j’ai le déclic qui me fasse passer au concret.
Le corps est un sujet délicat pour moi. L’esprit je gère, ou j’essaye, mais au moins c’est mon domaine de confort. Le corps c’est d’un coup plus difficile, autant le mien que celui des autres. Je ne parle pas du « je ne me plais pas », « je veux être un autre » ou « je ne suis pas comme sur le magazine ». Je détourne les yeux, je n’ose pas m’approcher. Une sorte de timidité excessive. Le corps je ne connais pas, et la nudité encore moins.
Aborder le nu c’est oser m’y confronter, oser regarder autrement que par la carapace publique que chacun se construit. On voit gens réels dans leur entièreté. C’est probablement aussi pour ça que j’ai initialement cherché le corps seul, sans mise en situation, dans aspect un peu brut, sans forcément cacher, magnifier ou même flatter. Même si cette vision évolue en même temps que moi-même, les premières étapes sont donc essentiellement du fond blanc ou noir, sans rien d’autre.
Il y a une approche photographique – j’aimerais dire « artistique » mais j’échoue tellement à faire ressortir des émotions que ce serait immensément présomptueux – mais aussi un vrai travail personnel, un chemin d’apprentissage vis à vis du corps.
En étant excessif sur la formulation, c’est un peu une façon de me réconcilier avec moi-même sur ces questions. Oui, c’est très égoïste comme démarche, mais assumé. Un gros merci aux ami·e·s qui m’ont aidé à avancer sur ce projet ou qui envisagent de le faire. Je vous dois plus qu’un verre.
Photo liée : $De dos.
Aujourd’hui j’écris sous les photos, et ça s’est révélé aussi important pour le processus que la photo elle-même. C’est confus, pas toujours profond, mais certains textes complètent mieux que je ne pourrai le faire ici la description initiale de ma démarche, où j’avance, comment ou pourquoi.
Ce que je n’avais pas anticipé ce sont les rencontres extraordinaires que ces photos m’ont permis de faire, des rencontres avec des personnes extra-ordinaires, belles, humaines. Souvent nous discutons beaucoup, avant, après, parfois pendant ; des conversations sans la carapace usuelle. C’est un cadeau à part entière, indépendamment des photos.
L’autre cadeau ce sont les remerciements appuyés des modèles ou leur envie de revenir après la première séance. Certaines parcourent un chemin parallèle au mien ; savoir que nôtre collaboration a permis un autre regard sur elles-mêmes fait sauter toutes mes hésitations.
Bref, tout ça m’enrichit bien plus que prévu et la photo ne se révèle qu’un support. Je ne compte pas arrêter. Aujourd’hui j’ai envie d’autres séances, de rencontrer d’autres gens. Pour continuer le chemin déjà engagé mais aussi sur d’autres sujets. J’ai envie de gens qui s’embrassent, d’une danseuse, d’une femme enceinte. J’ai envie de gens qui ont souhaitent s’ouvrir et partager. Quand je serai prêt j’avancerai vers la couleur, vers l’émotion plutôt que vers le corps brut. Il faut juste que je trouve les bonnes personnes vont avec les histoires.
Photo liée : $Parfois il suffit d'un sourire.
C’est long. Une introspection l’est forcément. Je ne sais pas si grand monde a lu jusqu’ici. Faites moi un signe si c’est le cas (si si, faites-le).
Mieux, donnez-moi du feedback, que ce soit sur la démarche ou sur les photos elles-mêmes : ce que vous pensez du travail, ce que ça exprime pour vous ou justement le fait que ça n’exprime rien, ce qui vous plaît ou vous plaît moins… Ça m’aide bien plus à avancer que vous ne le pensez.
Et si tout ça vous parle, si ça fait écho, discutons ensemble. Envisageons même une séance. En discuter n’engage à rien.
Photo liée : $Être soi.