Je me moque copieusement d’Instagram et de son filtre de respectabilité pour les photos. J’ironise sur les censures. On peut voir les corps mais pas de téton féminin ou de poil pubien. On en arrive a des situations délirantes où les artistes mettent des caches-téton sur les photos et où on bannit des photos de promotion contre le cancer du sein.
Je me moque mais finalement, en discutant photo avec des amis, je me rend compte qu’on fait bien les mêmes idioties. Notre limite est juste placée un peu plus loin, en autorisant les seins et un peu de pilosité. Même pour des photos à visée artistique et intéressantes par ailleurs, j’écarte systématiquement celles où le photographe laisse le sexe apparant. Il faut qu’il soit caché ou hors cadre, à la limite dans l’ombre si on ne distingue pas grand chose.
J’ai l’impression de me faire dominer par des tabous stupides. Quel sens cela a-t-il de rendre honteux ou interdit quelques dizaines de centimètres carrés sur un corps alors qu’on sait bien tous comment c’est fait de toutes façons ? Qu’il y a-t-il de si sulfureux à avoir un corps ou à l’assumer ?
Il y a quelques temps j’avais publié une photo quasiment uniquement pour sortir de ce genre de tabous. C’était finalement plutôt pudique et consensuel mais ça m’avait fait longtemps hésiter.
Ce tableau a déjà 150 ans, et rien n’a changé. Nous l’acceptons, mais à condition de ne le voir qu’à titre historique, en peinture et entouré d’un cadre. Le reproduire est déjà vu comme de la provocation.